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HENRI BEYLE (STENDHAL).

affaire que d’entrer dans un salon. Il s’imagine que tout le monde le regarde, et meurt de peur qu’il n’y ait quelque chose dans sa tenue qui ne soit pas absolument irréprochable. Un de nos amis souffrait plus que personne de cette timidité, et Beyle disait de lui que, lorsqu’il entrait dans le salon de Mme Pasta, on croyait toujours qu’il avait cassé quelque porcelaine dans l’antichambre : « Je vous conseille ma recette d’autrefois, lui disait-il. Entrez avec l’attitude que le hasard vous a fait prendre sur l’escalier ; convenable ou non, peu importe ; soyez comme la statue du Commandeur, et ne changez de maintien que lorsque l’émotion de l’entrée aura complètement disparu. »

Voici sa recette pour le premier duel : « Pendant qu’on vous vise, regardez un arbre et appliquez-vous à en compter les feuilles. Une préoccupation distrait d’une autre préoccupation plus grave. En ajustant votre adversaire, récitez deux vers latins, cela vous empêchera de tirer trop vite et remédiera au cinq pour cent d’émotion qui a envoyé tant de balles vingt pieds plus haut qu’il ne fallait. »

« Si vous vous trouvez seul avec une femme, je vous donne cinq minutes pour vous préparer à l’effort prodigieux de lui dire : Je vous aime. Dites