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PORTRAITS HISTORIQUES ET LITTÉRAIRES.

tails sur ce complot, qui révèle l’audace de son auteur, seulement on sait qu’il manqua par la trahison de l’un des conjurés.

Azan aga, que les auteurs espagnols appellent roi d’Alger, fut effrayé en apprenant le danger qu’il venait de courir. Les bourreaux redoublèrent d’activité ; chaque maître s’empressa de se débarrasser de ses esclaves les plus dangereux. Arnaute Mami, lui seul, n’infligea pas le plus léger châtiment à celui qui, de l’aveu de tous les conjurés, et par sa propre confession, avait tout dirigé. Il semblait avoir conçu un attachement singulier pour cet homme qu’il regardait cependant comme très-redoutable. C’est ainsi qu’on aime un cheval rétif quand on se sent la force de le réduire. Azan ayant demandé Cervantes, Mami, à l’étonnement de tout Alger, sollicita sa grâce et l’obtint : ensuite il le présenta à Azan, et consentit à le lui céder. Quand le prince barbare vit cet homme faible de corps et estropié, il ne put s’empêcher d’admirer qu’un projet si hardi vînt d’un être si chétif en apparence. Cependant il le traita avec humanité, tout en redoublant de vigilance, au point qu’il l’empêchait de communiquer avec les autres esclaves. Il disait alors : « que tant qu’il tiendrait