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PORTRAITS HISTORIQUES ET LITTÉRAIRES.

Aujourd’hui, l’enterrement ne manque à personne, grâce à un règlement de police ; mais, nous autres païens, nous avons aussi des devoirs à remplir envers nos morts, qui ne consistent pas seulement dans l’accomplissement d’une ordonnance de grande voirie. J’ai assisté à trois enterrements païens : celui de Sautelet, qui s’était brûlé la cervelle ; son maître, grand philosophe, Cousin et ses amis, eurent peur des honnêtes gens et n’osèrent parler ; — celui de M. Jacquemont : il avait défendu les discours ; — celui de Beyle enfin. Nous nous y trouvâmes trois, et si mal préparés, que nous ignorions ses dernières volontés. Chaque fois, j’ai senti que nous avions manqué à quelque chose, sinon envers le mort, du moins envers nous-mêmes. Qu’un de nos amis meure en voyage, nous aurons un vif regret de ne pas lui avoir dit adieu au moment du départ. Un départ, une mort doivent se célébrer avec une certaine cérémonie, car il y a là quelque chose de solennel. Ne fût-ce qu’un repas, une association de pensées régulières, il faut quelque chose. Ce quelque chose c’est ce que demande Elpénor ; ce n’est pas seulement un peu de terre qu’il réclame, c’est un souvenir.

J’écris les pages suivantes pour suppléer à ce