nales qui brillent dans ses ouvrages ; de là aussi leurs imperfections. Pourquoi le tairais-je en effet ? N’y a-t-il pas telle critique qui est encore un éloge ? Cet homme, qui occupe une place si particulière dans la littérature contemporaine, a-t-il fait tout ce qu’il pouvait faire ? Quand on relit ces vers charmants échappés, pour ainsi dire, à sa première jeunesse, on se demande comment s’est tue cette voix mélodieuse qui nous eût rendu peut-être André Chénier. Quand on admire cette prose savante où l’art des mots et des tournures n’ôte rien à l’élégante facilité du langage, on regrette qu’un si merveilleux instrument n’ait pas été employé à des œuvres plus sérieuses ; on voudrait qu’il eût moins sacrifié à des goûts fugitifs, et, si j’ose m’exprimer ainsi, à des modes littéraires. Si l’on se rappelle enfin ce que vous savez, messieurs, mieux que personne, à quel degré M. Nodier possédait la connaissance grammaticale de notre langue, ses origines et ses transformations, on déplore amèrement qu’il n’ait pas laissé après lui quelqu’un de ces grands ouvrages dans lesquels la science du passé devient la règle du présent et le guide de l’avenir. « Il ne suffit pas, a dit La Rochefoucauld, d’avoir de grandes qualités, il faut en avoir l’économie. » Cette économie
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PORTRAITS HISTORIQUES ET LITTÉRAIRES.