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CHARLES NODIER.

par la connaissance la plus approfondie de l’antiquité classique, Rabelais, vivant à la cour, mais nourri parmi le peuple, savait de Platon que le peuple est le meilleur maître de langue. Sentiments élevés, finesse, bon sens,… que manque-t-il à Rabelais ? une grande qualité, sans doute. Satirique et railleur impitoyable, il ne connut jamais cette douce sensibilité qui établit un lien intime entre un écrivain et son lecteur. Mais il vivait dans un siècle rude et cruel. La guerre commençait contre la pensée et l’intelligence ; les bûchers s’allumaient autour de lui ; il combattait, et ce n’est pas sur le champ de bataille qu’il faut s’attendrir.

Né dans un temps plus malheureux peut-être, mais plus éclairé, M. Nodier n’emprunte à Rabelais que l’ingénieux mécanisme de son style. Il trouve dans son propre cœur le moyen de plaire et de toucher. Son âme tout entière se reflète dans ses écrits, qui semblent inspirés par la maxime de Térence :

Homo sum ; humani nihil a me alienum puto.

On peut dire de M. Nodier qu’il était tout imagination et tout cœur. De là les qualités si origi-