Page:Mérimée - Portraits historiques et littéraires (1874).djvu/132

Cette page a été validée par deux contributeurs.
124
PORTRAITS HISTORIQUES ET LITTÉRAIRES.

Il choisissait les livres, les uns, tels que Werther, parce qu’ils étaient à la mode ; les autres, tels que le Cymbalum mundi, et maint conte du xvie siècle, par un motif contraire, parce qu’il les avait exhumés lui-même de la poussière des bibliothèques. Quelque variés que fussent alors ses goûts littéraires, ses préférences étaient toujours acquises à l’originalité, qu’il ne distinguait pas assez encore de la bizarrerie. De Shakspeare nous l’avons vu passer à Goethe, et la traduction du théâtre allemand de Bonneville acheva d’exciter en lui une passion enthousiaste pour la littérature germanique. Outre le mérite de quelques-uns de ces écrivains, elle présentait encore à un très-jeune homme cet attrait particulier qu’elle portait sa poétique avec elle, neuve alors et d’une application facile. Chez les Allemands, en effet, les systèmes précèdent les œuvres d’art, et l’imagination d’ordinaire s’emploie à compléter les théories par des exemples.

Ce goût pour les littératures étrangères obligea le jeune enthousiaste d’étudier plusieurs langues modernes, et bientôt il se prit à méditer sur la grammaire générale. D’abord ses travaux se ressentirent de l’inexpérience et de la présomption naturelle à son âge. Au sortir du collége, il avait inventé une lan-