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CERVANTES.

abandonnée, inconnue aux Mores, et assez grande pour cacher plusieurs personnes. Si Cervantes et ses compagnons parvenaient à s’y réfugier sans être vus, ils pouvaient être en sûreté, pourvu que la faim ne les forçât pas de sortir. Le plus difficile c’était de se procurer un vaisseau ou même une barque pour passer en Espagne ; mais pour cela, Cervantes comptait sur ceux de ses camarades qui espéraient être rachetés promptement. Chacun s’était engagé par serment à fréter un navire aussitôt après son retour dans sa patrie, et à revenir chercher ses compagnons réfugiés dans la citerne.

Le premier qui fut racheté était un Majorquin nommé Viana. Il avait été marin, et connaissait bien la côte ; ses camarades savaient qu’il ne manquait pas de résolution. On convint d’un signal, les serments furent renouvelés, et Viana partit.

Outre la difficulté d’échapper au vigilant Mami, il fallait assez bien calculer le moment de l’évasion pour le faire coïncider avec le retour présumé de Viana. Il y avait à craindre que celui-ci ne se fît attendre longtemps, et qu’il n’arrivât qu’après que leurs petites provisions seraient épuisées ; enfin, sur terre ou sur mer, ils pouvaient être repris par leur maître, et un sort affreux les atten-