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PORTRAITS HISTORIQUES ET LITTÉRAIRES.

domination espagnole. À voir ses innombrables couvents, ses palais aux balcons grillés, ses confréries de pénitents de toutes couleurs, on aurait pu se croire dans une ville de Castille. Les mœurs de ses habitants étaient empreintes d’une austérité qui n’avait rien de français. D’anciennes ordonnances défendaient aux Juifs de demeurer plus de trois jours dans l’enceinte des remparts. La société était divisée en plusieurs castes, soigneuses de s’isoler par des barrières infranchissables. D’un côté, des préjugés hautains, de l’autre des espérances insensées ; partout des haines traditionnelles. Dans une telle ville, la première étincelle de la révolution devait exciter les passions les plus violentes. M. Nodier père appartenait au parti de la bourgeoisie qui allait triompher. D’un naturel doux jusqu’à la faiblesse, il était devenu républicain avec l’enthousiasme et l’inexpérience d’un homme de lettres. En 1790, il fut nommé maire constitutionnel de Besançon, et, l’année suivante, président du tribunal criminel : fonctions terribles qu’il accepta sans les connaître, et qu’il n’eut pas le courage d’abdiquer lorsqu’il les eut comprises.

Associé à toutes les pensées de son père, vivant au milieu d’un cercle d’hommes instruits, que char-