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CHARLES NODIER.

pelle une idée, d’où bientôt jaillit une composition tout entière. Ce qu’il touche, il l’orne à plaisir. — Socrate avait sculpté dans les Propylées les statues des Grâces couvertes de vêtements magnifiques ; M. Nodier voile l’histoire d’une parure empruntée à la poésie. Parfois il s’introduit lui-même dans son œuvre, à l’exemple de ces anciens peintres qui se représentèrent dans leurs tableaux agenouillés aux pieds de la Vierge ou assis à la table des apôtres.

Ici, messieurs, je me rappelle involontairement ce mot d’un homme qui se prenait pour un érudit, et que la postérité comptera surtout parmi les habiles écrivains de notre époque : « Plutarque, disait Courier, ferait gagner à Pompée la bataille de Pharsale si cela pouvait arrondir tant soit peu sa phrase. » Il a raison. M. Nodier était de l’école de Plutarque. — Je ne sais d’ailleurs si toutes les fictions de l’homme de lettres furent volontaires, si en s’abandonnant à son imagination, il ne crut pas quelquefois consulter sa mémoire. Tel que ces preneurs d’opium de l’Asie, moins sensibles aux impressions extérieures qu’aux hallucinations du breuvage enivrant, il s’était accoutumé, dans la solitude, à vivre parmi les créations de sa fantaisie comme