Page:Mérimée - Portraits historiques et littéraires (1874).djvu/113

Cette page a été validée par deux contributeurs.
105
HENRI DE GUISE.

ses créatures occupaient les charges les plus importantes ; les soldats l’adoraient. Quel parti restait au malheureux monarque ? Un seul ; c’était de se débarrasser de son adversaire par un coup de poignard.

Cette ressource était tellement unique, elle était tellement indiquée par la situation, qu’il est surprenant que le duc de Guise n’ait pas pris de mesures pour sa sûreté personnelle. Mais il méprisait trop son ennemi. Il était si bien accoutumé à le voir céder, qu’il ne pouvait croire qu’il pensât à briser la chaîne dont il resserrait les anneaux tous les jours. Le succès de la démarche hardie qui avait précédé les barricades lui faisait illusion. Une heure il était demeuré au pouvoir du roi, qui n’avait pas osé profiter de ses avantages. On ne peut se persuader que ce qui a réussi une fois ne réussira pas toujours, et l’on dort tranquille sur le bord d’un courant de lave refroidie, comme si la lave d’une nouvelle éruption ne pouvait pas franchir les limites de l’ancienne. D’ailleurs le duc de Guise éprouvait, comme tous les hommes occupés de grands projets, un dégoût profond pour ces précautions de tous les instants, qui suffiraient seules pour empêcher de suivre une grande idée. Qui voudrait