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MONUMENTS HISTORIQUES.

Malgré la sourde opposition de vieux préjugés qui disparaissent tous les jours, les monuments du moyen âge n’ont été, à aucune époque, mieux appréciés qu’ils ne le sont aujourd’hui. Pour les restaurer convenablement, on dispose maintenant d’un assez grand nombre d’artistes habiles, élevés en dehors des systèmes exclusifs, et conduits, par une tendance naturelle à notre temps, à étudier avec curiosité les différents styles d’architecture dont la France offre tant de types remarquables. Ni l’expérience, ni l’érudition, ni l’amour de l’art, ne font défaut, quand il s’agit de réparer les ravages dont le temps ou le vandalisme ont laissé les traces sur nos vieux édifices. Mais il est une objection que l’ignorance élève et qu’une catastrophe récente semble confirmer jusqu’à un certain point.

La restauration de Saint-Denis, qui, bien que placée en dehors de la surveillance de la Commission, avait donné lieu, de sa part, à des réclamations réitérées, vient d’être interrompue par un accident déplorable. Le clocher de cette église achevé depuis peu de temps, s’est lézardé d’une manière alarmante, et l’on a reconnu la nécessité de le démolir au plus vite. De cet accident, dont on n’a peut-être pas voulu voir la véritable cause, quelques personnes étrangères à la pratique de l’architecture ont pris un argument pour soutenir que les édifices du moyen age ont fait leur temps, et que désormais leur ruine est devenue inévitable. Ainsi, l’on devrait laisser crouler tant de magnifiques monuments, ou, plutôt, une sage prévoyance conseillerait de les démolir comme dangereux pour la sureté publique. Les conséquences de l’opinion que l’on vient d’exposer en sont une réfutation suffisante. Mais qu’on prenne la peine d’examiner ces monuments, pour ainsi dire condamnés. Sans doute, leur abandon prolongé,