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L’INSPECTEUR GÉNÉRAL

je suis indécis pour savoir par laquelle je commencerai. Je crois que ce sera par la maman, car elle paraît toute prête à tout. Te rappelles-tu nos infortunes, comment nous dînions à l’œil, et comment une fois un pâtissier me prit au collet à l’occasion de certains petits pâtés que nous avions mangés au compte du roi de Prusse. Cette fois, l’aventure tourne tout différemment. C’est à qui me prêtera l’argent qu’il me faut. Ce sont de drôles d’originaux. Ils te feraient mourir de rire. Tu écris des articles. Voici des portraits à ton service. D’abord le gouverneur : bête comme un âne gris…

Le Gouverneur.

C’est impossible. Il n’y a pas cela.

Le Directeur.

Lisez vous-même…

Le Gouverneur, lisant.

« Comme un âne gris… » C’est impossible ; c’est vous qui avez écrit cela.

Le Directeur.

Qui, moi, écrire cela !

L’Administrateur.

Lisez.

Le Recteur.

Lisez.

Le Directeur, lisant.

« Le gouverneur… bête comme un âne gris… »

Le Gouverneur.

Le diable l’emporte, il faut encore qu’il recommence. Comme si c’était nécessaire !

Le Directeur, lisant.

Hum… hum… hum… « Âne gris. Le directeur des postes est un brave homme… » Ah ! il s’exprime d’une manière assez inconvenante sur mon compte.

Le Gouverneur.

Lisez toujours.