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L’INSPECTEUR GÉNÉRAL.

bouc ! Tu l’as oublié. Si je disais ce que je sais sur ton compte, je te ferais faire gratis le voyage de Sibérie. Hein ? qu’as-tu à dire à cela ?

Un Marchand.

Nous eûmes tort, Anton Antonovitch : c’est le diable qui nous poussa. Mais nous ne ferons jamais plus de placets. Dis-nous seulement quelle satisfaction tu veux, mais ne sois plus fâché.

Le Gouverneur.

Ne sois plus fâché ! Tu es à plat-ventre devant moi, à présent : c’est que j’ai le bon bout du bâton. Mais si j’étais à ta place, et toi à la mienne, canaille, tu me pousserais dans le ruisseau, bien heureux si tu ne me jetais pas des pierres.

Les Marchands, à ses pieds.

Grâce ! grâce ! Anton Antonovitch !

Le Gouverneur.

Grâce ! grâce ! Voilà ce que vous dites à présent. Et tout à l’heure, je vous… Allons ! Dieu commande de pardonner ! Suffit. Je ne suis pas rancunier ; seulement, faites-y attention : à l’avenir, qu’on ne m’échauffe plus les oreilles. Vous aurez la bonté de vous rappeler que je donne ma fille, non pas à un simple gentilhomme… Ainsi que les félicitations soient convenables, vous m’entendez ? Ne vous imaginez pas que vous vous en tirerez avec un saumon fumé ou avec un pain de sucre… Non. Allez, et que Dieu vous conduise.

Les marchands sortent.