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L’INSPECTEUR GÉNÉRAL.

recevoir dans l’établissement confié à ma surveillance.

Khlestakof.

Ah ! oui, je sais. Vous nous avez donné un fameux déjeuner.

L’Administrateur.

Heureux de me dévouer au service du pays.

Khlestakof.

Il faut que je vous avoue mon faible. J’aime la bonne chère. Dites-moi donc, il me semble que vous avez grandi depuis hier ? Hein ?

L’Administrateur.

C’est possible. (Après un silence.) Moi, Monsieur, je ne demande rien pour moi, et je me consacre tout entier aux intérêts du service. (Approchant sa chaise et parlant à demi-voix.) Ce n’est pas comme le directeur des postes qui ne fait rien du tout. Toutes les affaires sont à l’abandon ; on retient les paquets… Veuillez vous en enquérir vous-même. Il y a encore le juge, qui était ici un peu avant mon arrivée, il ne pense qu’à courir le lièvre : il tient les chiens dans le prétoire, et sa conduite, car il faut bien vous l’avouer, et l’intérêt du pays me contraint à faire auprès de vous cette démarche, sa conduite est des plus répréhensibles. Il y a ici un propriétaire, un certain Dobtchinski, qui a eu l’honneur de vous être présenté, et comme ce Dobtchinski est sans cesse hors de la maison, le juge alors tient compagnie à sa femme, et je suis prêt à lever la main… Tenez, il suffit de regarder ses enfants. Pas un seul qui ressemble à Dobtchinski. Tous, jusqu’à sa petite dernière, c’est le juge tout craché.

Khlestakof.

Ah ! bah ! Je ne m’étais pas douté de cela.

L’Administrateur.

Par exemple, le recteur de notre collège… Je ne comprends pas que le gouvernement ait pu le charger