Page:Mérimée - Les deux héritages, suivi de L'inspecteur général, 1892.djvu/215

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
207
L’INSPECTEUR GÉNÉRAL.

grand monde ; mais que voulez-vous, ce n’est pas la capitale. N’ai-je pas raison ? ce n’est pas la capitale.

Le Directeur.

Vous avez parfaitement raison.

Khlestakof.

Ce n’est que dans la capitale qu’on trouve le bon ton. Il n’y a pas là d’oies comme en province. Qu’est-ce que vous en dites ? n’est-ce pas vrai ?

Le Directeur.

Parfaitement vrai. (À part.) Au moins il n’est pas fier. Il parle de tout.

Khlestakof.

Eh bien, voyez-vous, dans une petite ville on peut encore s’arranger pour vivre heureusement.

Le Directeur.

En effet.

Khlestakof.

Moi, je me dis, que faut-il pour y être bien ? Il faut être considéré, avoir de bons amis… n’est-ce pas ?

Le Directeur.

C’est bien ma manière de voir.

Khlestakof.

Je suis bien aise que vous soyez de mon avis. On dit que je suis un original, mais, moi, j’ai mes idées… (Il le regarde entre deux yeux ; à part.) Si j’empruntais de l’argent à ce directeur ? (Haut.) Il m’arrive une drôle d’aventure. J’ai été retenu très-longtemps en voyage. Ne pourriez-vous pas me prêter trois cents roubles ?

Le Directeur.

Comment donc ! comment donc ! avec le plus grand bonheur ! Voici, Monsieur, disposez de moi.

Khlestakof.

Mille remerciements. C’est que, voyez-vous, moi, en voyage je n’aime pas à me rien refuser, d’abord, et puis, d’ailleurs… n’êtes-vous pas de cet avis ?