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L’INSPECTEUR GÉNÉRAL

Le Juge.

Affaire grave. Il n’a qu’à jeter les hauts cris. C’est un fonctionnaire public… Peut-être que si on lui offrait quelque chose sous forme de cadeau, d’un souvenir, de la part de la noblesse ?…

Le Maître de poste.

Ou bien, on lui dirait : Voilà de l’argent qui vient d’arriver à la poste ; on ne sait pas à qui il appartient.

L’Administrateur.

Prenez garde qu’il ne vous fasse aller de la poste quelque part plus loin. Écoutez-moi. Ce n’est pas comme cela que se font les choses dans un gouvernement bien organisé. Pourquoi venons-nous ici tout un escadron ? Il vaut bien mieux se présenter individuellement, et entre quatre yeux, alors… on fait l’affaire. Qui est-ce qui en sait quelque chose ? Voilà comme cela se passe dans la bonne compagnie. Tenez, vous, Ammos Fëdorovitch, c’est à vous de commencer.

Le Juge.

Il vaut bien mieux que ce soit vous. L’inspecteur général est allé chez vous et a mangé votre pain.

L’Administrateur.

Non, alors ; que ce soit Louka Loukitch en sa qualité d’instructeur de la jeunesse.

Le Recteur.

Oh ! je ne puis pas, Messieurs, je ne puis pas. Je vous avoue que dès que je suis obligé de parler à un fonctionnaire d’un grade un peu élevé, je perds la tête, ma langue s’épaissit comme si on l’avait chargée de boue. Non, Messieurs, dispensez-moi, je vous en supplie, dispensez-moi.

L’Administrateur.

Allons, Ammos Fëdorovitch, si ce n’est vous, ce ne sera personne. Nous savons que vous avez tout votre Cicéron sur le bout de votre langue.