Page:Mérimée - Les deux héritages, suivi de L'inspecteur général, 1892.djvu/192

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
184
L’INSPECTEUR GÉNÉRAL

dans la ville. Dans les autres villes on ne m’a rien montré.

Le Gouverneur.

Dans d’autres villes, oserais-je vous le faire remarquer, les fonctionnaires publics sont surtout préoccupés de leurs intérêts. Tandis qu’ici, je puis le dire, on n’a qu’une pensée, c’est, à force de zèle et de vigilance de remplir les généreuses intentions du gouvernement.

Khlestakof.

Le déjeuner était excellent. Ah ! j’ai mangé comme il faut. Est-ce qu’on s’en donne ici comme cela tous les jours ?

Le Gouverneur.

On célébrait la présence d’un hôte illustre.

Khlestakof.

Moi, j’aime à manger. À quoi bon vivre si ce n’est pas pour cueillir la fleur du plaisir ? Comment s’appelle ce poisson ?

L’Administrateur, s’avançant.

Du labardane.

Khlestakof.

Fameux poisson ! Où est-ce donc que nous avons déjeuné, dans l’infirmerie ?

L’Administrateur.

Si vous le voulez bien. Dans l’hospice.

Khlestakof.

Ah ! oui, je me rappelle, il y avait des lits. Et les malades, ils sont donc guéris ? Il n’y en avait guère.

L’Administrateur.

Il n’en restait que dix. Les autres étaient sortis guéris. Cela tient à l’excellent ordre qui règne dans l’établissement. Depuis le moment où j’ai pris l’administration de l’hospice, peut-être le fait vous paraîtra-t-il incroyable, tous les malades guérissent comme des