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L’INSPECTEUR GÉNÉRAL

figure qu’il me fait avaler toutes ses histoires. Va, va, tu n’as pas trouvé ta dupe. Je te laisse faire et t’en donner. (Haut.) La remarque que vous avez bien voulu faire est parfaitement juste. Que peut-on faire dans l’ignorance et l’obscurité ? Ici, par exemple dans notre petit endroit, on ne dort pas la nuit, on s’extermine pour son pays, on n’épargne rien, sans seulement songer à quand la récompense… (Il promène ses regards par la chambre.) Il me semble que cette chambre est un peu humide.

Khlestakof.

Abominable ! et des punaises comme je n’en ai jamais vu. Elles vous ont des dents comme des chiens.

Le Gouverneur.

Est-il possible ! Un étranger si distingué exposé à des tortures semblables ; d’indécentes punaises comme il n’en devrait pas exister dans le monde ! — Est-ce qu’il ne fait pas bien sombre dans cette chambre ?

Khlestakof.

Horriblement sombre ! Le maître d’hôtel n’a pas l’habitude de donner des bougies. On ne peut rien faire. On veut lire, ou bien l’envie vous prend d’écrire quelque chose, impossible ; on n’y voit goutte.

Le Gouverneur.

Oserais-je vous demander… mais non, je ne suis pas digne…

Khlestakof.

Quoi donc ?

Le Gouverneur.

Non, non, je suis indigne de cet honneur…

Khlestakof.

Mais de quoi s’agit-il ?

Le Gouverneur.

C’est que, si j’osais… J’ai chez moi un appartement parfaitement convenable, bien éclairé, tranquille, que