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L’INSPECTEUR GÉNÉRAL

peux pas jeûner comme cela. J’ai une faim terrible ; je ne plaisante pas.

Le Garçon.

Très-bien, Monsieur. C’est qu’il a dit comme cela : Je ne lui donnerai pas à manger qu’il n’ait payé ce qu’il doit. Voilà ce qu’il a dit.

Khlestakof.

Allons, allons, petit farceur, parle-lui.

Le Garçon.

Mais que voulez-vous que je lui dise ?

Khlestakof.

Parle-lui sérieusement, dis-lui que j’ai besoin de manger… De l’argent, quant à cela… Il s’imagine qu’on est comme un paysan et qu’on peut rester tout un jour sans manger… Il est bon là !

Le Garçon.

Je m’en vas lui dire cela.

(Il sort avec Osip.)



Scène V.

KHLESTAKOF seul.

Ce serait un peu fort s’il s’obstinait à ne pas me donner à manger. J’ai un appétit comme jamais je n’en ai eu. Peut-être qu’en vendant mes habits je pourrais me procurer assez d’argent pour gagner la maison… Vendre ses culottes ? Hein ? — Non, mieux vaut mourir de faim et revenir à la maison avec un costume de Pétersbourg… Je suis fâché que Joachim n’ait pas voulu me prêter une calèche. Le diable m’emporte ! je ne serais pas embarrassé avec une calèche ; je serais allé grand train, les lanternes allumées et Osip en livrée derrière, sous le balcon de quelque château. Alors tout le monde est en l’air. — Qu’est-ce qui vient ? Qu’est-ce