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L’INSPECTEUR GÉNÉRAL

chemin, voilà Pëtr Ivanovitch qui me dit : Entrons, dit-il, dans le restaurant. Je me sens je ne sais quoi dans l’estomac… Je n’ai rien mangé depuis ce matin. J’ai des tiraillements d’estomac… Oui, Pëtr Ivanovitch avait quelque chose à l’estomac… Oui, me dit-il, le traiteur vient de recevoir du saumon frais. Nous allons en manger. — À peine étions-nous dans le restaurant, que tout à coup un jeune homme…

Dobtchinski.

D’un extérieur assez agréable, bien mis…

Bobtchinski.

D’un extérieur assez agréable, bien mis ; il entre dans le salon. Sur son visage, on voyait un air décidé… une physionomie… des traits… (Tournant sa main autour de son front) beaucoup, beaucoup de tout cela. J’eus comme un pressentiment, et je dis à Pëtr Ivanovitch : Voilà quelqu’un qui n’est pas ici pour des prunes. Oui. Et Pëtr Ivanovitch, il fait signe comme cela, du doigt, au maître du restaurant. Vlas, le maître du restaurant… Sa femme est accouchée il y a trois semaines d’un vigoureux petit gaillard, qui, un jour, comme son père, tiendra le restaurant. Pëtr Ivanovitch appelle donc Vlas, et lui demande tout bas : Qui est donc, dit-il, ce jeune homme. Vlas lui répond comme cela : — Celui-ci ? dit-il… Ah ! n’interrompez pas, Pëtr Ivanovitch. Mon Dieu ! ne m’interrompez pas. Ce n’est pas vous qui parlez, mon Dieu, non ! Vous bredouillez. Vous savez bien que vous avez une dent dans la bouche qui siffle… Celui-ci, dit-il, ce jeune homme ? C’est un employé du gouvernement qui vient de Pétersbourg. Il s’appelle, dit-il, Ivan Alexandrovitch Khlestakof, et il va, dit-il, dans le gouvernement de Saratof, et, dit-il, il a de drôles de façons. Voilà près de deux semaines qu’il est ici. Il ne sort pas de l’hôtel. Il prend tout à crédit,