Page:Mérimée - Dernières nouvelles de Prosper Mérimée, 1874.djvu/279

Cette page n’a pas encore été corrigée

guignes. Nos témoins nous placèrent à douze pas. C’était à moi de tirer le premier ; mais la passion et la haine me dominaient tellement, que je craignis de n’avoir pas la main sûre, et, pour me donner le temps de me calmer, je lui cédai le premier feu. Il refusa. On convint de s’en rapporter au sort. Ce fut à lui de tirer le premier, à lui, cet éternel enfant gâté de la fortune. Il fit feu et perça ma casquette, c’était à mon tour. Enfin, j’étais maître de sa vie. Je le regardais avec avidité, m’efforçant de surprendre sur ses traits au moins une ombre d’émotion. Non, il était sous mon pistolet, choisissant dans sa casquette les guignes les plus mûres et soufflant les noyaux, qui allaient tomber à mes pieds. Son sang-froid me faisait endiabler.

» — Que gagnerai-je, me dis-je, à lui ôter la vie, quand il en fait si peu de cas ?