affectent si bien, lui dit, en le congédiant, qu’il n’oublierait jamais le service qu’il venait de recevoir, qu’il s’empresserait de lui rendre les chemises qu’il avait bien voulu lui prêter, et qu’il reprendrait les siennes aussitôt qu’il aurait l’honneur de le revoir. « Surtout, » ajouta-t-il, « n’oubliez pas de faire blanchir les chemises de ces messieurs. Nous les reprendrons à votre retour à Madrid. » Le jeune homme qui me racontait ce vol, dont il avait été la victime, m’avouait qu’il avait plutôt pardonné aux voleurs l’enlèvement de ses chemises que leurs méchantes plaisanteries.
À différentes époques, le gouvernement espagnol s’est occupé sérieusement de purger les grandes routes des voleurs qui, depuis un temps immémorial, sont en possession de les parcourir. Ses efforts n’ont jamais pu avoir des résultats décisifs. Une bande a été détruite, mais une autre s’est formée aussitôt. Quelquefois un capitaine général est parvenu à force de soins à chasser tous les voleurs de son gouvernement, mais alors les provinces voisines en ont regorgé.
La nature du pays, hérissé de montagnes, sans routes frayées, rend bien difficile l’entière destruction des brigands. En Espagne, comme dans la Vendée, il y a un grand nombre de métairies isolées, aldeas, éloignées de plusieurs milles de tout endroit habité. En garnisonnant toutes ces métairies, tous les petits hameaux, on obligerait promptement les voleurs à se livrer à la justice, sous peine de mourir de faim ; mais où trouver assez d’argent, assez de soldats ?
Les propriétaires des aldeas sont intéressés, on le sent, à conserver de bons rapports avec les brigands, dont la vengeance est redoutable. D’un autre côté, ceux-ci, qui comptent sur eux pour leur subsistance, les ménagent, leur payent bien les objets dont ils ont besoin, et quelquefois même les associent au partage du butin. Il faut encore