Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/403

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le comte, effrayé. Qu’est-ce ? — Auriez-vous vu quelqu’un sous la table ?…

La comtesse. Une araignée — sur ma chaise ! (Tout le monde rit.)

Bertrand, écrasant l’araignée. Araignée du matin, chagrin ; araignée du soir, espoir. Il est plus de midi.

Le baron de Machicoulis. Respirez ce flacon, madame. Je comprends parfaitement votre effroi. C’est un effet purement nerveux. Moi qui vous parle, je me suis trouvé plusieurs fois dans des circonstances assez hasardeuses… hai… et la vue d’une souris produit sur moi une impression que je ne puis surmonter.

Le marquis de Malespine. Moi, c’est un crapaud qui me fait de l’effet ; mais c’est très-venimeux.

Le chevalier de Thimbray. On dit que Ladislas, roi de Pologne, prenait la fuite quand il voyait des pommes.

Le comte de Fierdonjon. J’ai ouï raconter…

Édouard. Ah ça ! conspirons-nous, oui ou non ?

Le comte. Mon cousin a raison… Messieurs, pour régulariser nos réunions, et surtout pour leur donner ce caractère de gravité qu’elles doivent avoir, il me semble qu’il serait à propos d’élire un président ; et, si personne ne réclame, je me chargerai d’en remplir les fonctions.

Le baron de Machicoulis. Ah ! monsieur le comte, cela n’est pas régulier. Un président exerçant une influence considérable sur toute assemblée, il convient que ce même président soit élu par l’assemblée, afin qu’il en représente les sentiments, qu’il en soit comme l’expression.

Le chevalier de Thimbray. Sans doute. Il faut aller aux voix.

Le comte de Fierdonjon. Pourquoi donc aller aux voix ? Je vous ferai observer, messieurs, que, dans toutes les assemblées de la noblesse de cette province, nos ancêtres, les comtes de Fierdonjon, occupaient le fauteuil.