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LES ÂMES
DU PURGATOIRE.

1834

Cicéron dit quelque part, c’est, je crois, dans son traité De la nature des dieux, qu’il y a eu plusieurs Jupiters, — un Jupiter en Crète, — un autre à Olympie, — un autre ailleurs ; — si bien qu’il n’y a pas une ville de Grèce un peu célèbre qui n’ait eu son Jupiter à elle. De tous ces Jupiters on en a fait un seul à qui l’on a attribué toutes les aventures de chacun de ses homonymes. C’est ce qui explique la prodigieuse quantité de bonnes fortunes qu’on prête à ce dieu.

La même confusion est arrivée à l’égard de don Juan, personnage qui approche de bien près de la célébrité de Jupiter. Séville seule a possédé plusieurs don Juans ; mainte autre ville cite le sien. Chacun avait autrefois sa légende séparée. Avec le temps, toutes se sont fondues en une seule.

Pourtant, en y regardant de près, il est facile de faire la part de chacun, ou du moins de distinguer deux de ces héros, savoir : don Juan Tenorio, qui, comme chacun sait, a été emporté par une statue de pierre ; et don Juan de Maraña, dont la fin a été toute différente.