Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/151

Cette page a été validée par deux contributeurs.

expédition, c’est-à-dire le pilone qui couvrait Orso, une vieille marmite et une cruche pleine d’eau. Dans le même lieu se trouvait miss Nevil, qui, rencontrée par les soldats, à demi morte de peur, répondait par des larmes à toutes leurs questions sur le nombre des bandits et la direction qu’ils avaient prise.

Colomba se jeta dans ses bras et lui dit à l’oreille : Ils sont sauvés. Puis, s’adressant au sergent des voltigeurs : — Monsieur, lui dit-elle, vous voyez bien que mademoiselle ne sait rien de ce que vous lui demandez. Laissez-nous revenir au village, où l’on nous attend avec impatience.

— On vous y mènera, et plus tôt que vous ne le désirez, ma mignonne, dit le sergent, et vous aurez à expliquer ce que vous faisiez dans le mâquis à cette heure avec les brigands qui viennent de s’enfuir. Je ne sais quel sortilège emploient ces coquins, mais ils fascinent sûrement les filles, car partout où il y a des bandits on est sûr d’en trouver de jolies.

— Vous êtes galant, monsieur le sergent, dit Colomba, mais vous ne ferez pas mal de faire attention à vos paroles. Cette demoiselle est une parente du préfet, et il ne faut pas badiner avec elle.

— Parente du préfet ! murmura un voltigeur à son chef ; en effet, elle a un chapeau.

— Le chapeau n’y fait rien, dit le sergent. Elles étaient toutes les deux avec le curé, qui est le plus grand enjôleur du pays, et mon devoir est de les emmener. Aussi bien, n’avons-nous plus rien à faire ici. Sans ce maudit caporal Taupin,… l’ivrogne de Français s’est montré avant que je n’eusse cerné le mâquis… sans lui, nous les prenions comme dans un filet.

— Vous êtes sept ? demanda Colomba. Savez-vous, messieurs, que si par hasard les trois frères Gambini, Sarocchi et Théodore Poli se trouvaient à la croix de Sainte-Christine avec Brandolaccio et le curé, ils pourraient vous donner