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préfet, dit-elle, mon frère serait allé dès hier vous présenter ses respects.

Orso se confondit en excuses, protestant qu’il n’était pour rien dans cette ruse ridicule, dont il était profondément mortifié. Le préfet et le vieux Barricini parurent croire à la sincérité de ses regrets, justifiés d’ailleurs par sa confusion et les reproches qu’il adressait à sa sœur ; mais les fils du maire ne parurent pas satisfaits : — On se moque de nous, dit Orlanduccio, assez haut pour être entendu.

— Si ma sœur me jouait de ces tours, dit Vincentello, je lui ôterais bien vite l’envie de recommencer.

Ces paroles, et le ton dont elles furent prononcées, déplurent à Orso et lui firent perdre un peu de sa bonne volonté. Il échangea avec les jeunes Barricini des regards où ne se peignait nulle bienveillance.

Cependant tout le monde était assis, à l’exception de Colomba, qui se tenait debout près de la porte de la cuisine. Le préfet prit la parole, et, après quelques lieux communs sur les préjugés du pays, rappela que la plupart des inimitiés les plus invétérées n’avaient pour cause que des malentendus. Puis, s’adressant au maire, il lui dit que M. della Rebbia n’avait jamais cru que la famille Barricini eût pris une part directe ou indirecte dans l’événement déplorable qui l’avait privé de son père ; qu’à la vérité il avait conservé quelques doutes relatifs à une particularité du procès qui avait existé entre les deux familles, que ce doute s’excusait par la longue absence de M. Orso et la nature des renseignements qu’il avait reçus ; qu’éclairé maintenant par des révélations récentes, il se tenait pour complètement satisfait, et désirait établir avec M. Barricini et ses fils des relations d’amitié et de bon voisinage.

Orso s’inclina d’un air contraint ; M. Barricini balbutia