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chose, elle est bientôt faite ! Heureusement, le picador partit pour Malaga, et moi, je me mis en devoir de faire entrer les cotonnades du juif. J’eus fort à faire dans cette expédition là, Carmen aussi, et j’oubliai Lucas ; peut-être aussi l’oublia-t-elle, pour le moment du moins. C’est vers ce temps, monsieur, que je vous rencontrai, d’abord près de Montilla, puis après à Cordoue. Je ne vous parlerai pas de notre dernière entrevue. Vous en savez peut-être plus long que moi. Carmen vous vola votre montre ; elle voulait encore votre argent, et surtout cette bague que je vois à votre doigt, et qui, dit-elle, est un anneau magique qu’il lui importait beaucoup de posséder. Nous eûmes une violente dispute, et je la frappai. Elle pâlit et pleura. C’était la première fois que je la voyais pleurer, et cela me fit un effet terrible. Je lui demandai pardon, mais elle me bouda pendant tout un jour, et, quand je repartis pour Montilla, elle ne voulut pas m’embrasser. — J’avais le cœur gros, lorsque, trois jours après, elle vint me trouver l’air riant et gaie comme pinson. Tout était oublié, et nous avions l’air d’amoureux de deux jours. Au moment de nous séparer, elle me dit : — Il y a une fête à Cordoue, je vais la voir, puis je saurai les gens qui s’en vont avec de l’argent, et je te le dirai. — Je la