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— C’est-à-dire, interrompis-je un peu décontenancé, que je l’avais égarée…

— Le coquin est sous les verrous, et, comme on savait qu’il était homme à tirer un coup de fusil à un chrétien pour lui prendre une piécette, nous mourions de peur qu’il ne vous eût tué. J’irai avec vous chez le corrégidor, et nous vous ferons rendre votre belle montre. Et puis, avisez-vous de dire là-bas que la justice ne sait pas son métier en Espagne !

— Je vous avoue, lui dis-je, que j’aimerais mieux perdre ma montre que de témoigner, en justice pour faire pendre un pauvre diable, surtout parce que… parce que…

— Oh ! n’ayez aucune inquiétude ; il est bien recommandé, et on ne peut le pendre deux fois. Quand je dis pendre, je me trompe. C’est un hidalgo que votre voleur ; il sera donc garrotté après demain sans rémission[1]. Vous voyez qu’un vol de plus ou de moins ne changera rien à son affaire. Plût à Dieu qu’il n’eût que volé ! mais il a commis plusieurs meurtres, tous les plus horrible les uns que les autres.

— Comment se nomme-t-il ?

  1. En 1830, la noblesse jouissait encore de ce privilége. Aujourd’hui, sous le régime constitutionnel, les vilains ont conquis le droit au garrote.