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« Khlestakof. — Non, point de défaites. Je veux absolument savoir votre goût.

« Le recteur. — Oserais-je ?… exprimer… (À part.) La tête me tourne. Je ne sais ce que je dis.

« Khlestakof. — Vous ne voulez pas le dire ? Je parie que quelque brunette vous a pris dans ses filets. Ah ! vous rougissez ? J’ai deviné, à ce qu’il paraît. Pourquoi donc ne parlez-vous pas ?

« Le recteur. — Excusez, ma timidité, monsi… monseig… votre ex… (À part.) Ah ! maudite langue, qu’es-tu devenue !

« Khlestakof. — Vous êtes timide ? Eh bien ! tenez, c’est que j’ai dans les yeux quelque chose qui impose en effet. Au moins, je sais bien qu’il n’y a pas une demoiselle qui résiste à mon regard. Pas vrai ?

« Le recteur. — Assurément.

« Khlestakof. — il m’arrive l’aventure la plus étrange… J’ai été retenu dans mon voyage… si bien…Pourriez-vous, par hasard me prêter trois cents roubles ?

« Le recteur lui remettant les billets de banque. — Voici, voici !

« Khlestakof. — Infiniment obligé.

« Le recteur. — Je n’ose abuser plus longtemps de vos moments précieux. (À part.) Grâce au ciel, il n’a pas visité les classes ! » (Il sort en courant.)

Khlestakof s’accommode à merveille, comme on peut le penser, de son séjour. Il a empoché force roubles ; il fait la cour à la fille du gouverneur, coquette provinciale innocente ou soi-disant telle. Il se laisse même fiancer avec cette dernière à la suite d’une conversation un peu vive, et le gouverneur est enchanté d’avoir pour