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et lui insinue avec ménagement qu’en ouvrant avec beaucoup de délicatesse les lettres qui viennent de Pétersbourg, on pourrait peut-être savoir le jour précis où arrivera cet inspecteur tant redouté. N’y a-t-il pas des instruments, pour cela ? De la terre à modeler ?… Et puis si l’on ne peut refaire le cachet, on en est quitte pour rendre la lettre décachetée. — Le directeur des postes est un homme complaisant. — Ne vous mettez pas en peine, dit-il. Moi je décachette toutes les lettres seulement pour voir ce qu’il y a dedans. Tenez, voulez-vous lire celle-ci, qu’un lieutenant écrit à un de ses amis pour lui faire part de ses bonnes fortunes ?…

L’honnête cénacle, déjà troublé par les nouvelles de Pétersbourg, est jeté dans le plus grand effroi par un autre rapport encore plus précis. Deux de ces oisifs, fléau de toutes les villes de province, toujours aux aguets pour découvrir un visage nouveau, viennent de faire une grande découverte. Petr Ivanovitch Dobtchinski et Petr Ivanovitch Bobtchinski, bavards impitoyables qui se coupent la parole à chaque instant, racontent à grand’peine, et avec des détails qui n’en finissent pas, que l’inspecteur est arrivé déjà depuis plusieurs jours.

— C’est un jeune homme avec un passeport de Péterbourg pour Saratof. Il s’est arrêté à l’hôtel sans motif