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l’appelle le caractère de son talent, qu’il ne connaît pas encore. Roman historique inspiré par la lecture de Walter Scott, légende fantastique, étude psychologique, tableau de mœurs sentimental et grotesque à la fois, ce recueil, qui, grâce à une traduction de M. Viardot, a déjà reçu un accueil flatteur du public français, contient comme un abrégé de tous les essais de l’auteur. Si ma conjecture est juste, il a dû se demander pendant quelque temps s’il prendrait pour modèle Sterne, Walter Scott, Chamisso ou Hoffmann. Il a mieux fait plus tard, en suivant la route qu’il s’est frayée lui-même.

Tarass Boulba est la première nouvelle de ce recueil et la plus longue, car elle occupe à elle seule les deux tiers du volume : c’est un tableau animé et, autant que je puis le croire, exact des mœurs des Zaporogues, ce peuple singulier auquel Voltaire a consacré quelques lignes dans son Histoire de Charles XII. Au xvie et au xviie siècle, les Zaporogues ont joué un grand rôle dans les annales de la Russie et de la Pologne ; ils formaient alors une république de soldats ou plutôt de flibustiers, établis dans les îles du Dnieper, nominalement sujets tantôt des rois de Pologne, tantôt des grands-ducs de Moscovie, quelquefois même de la Porte ottomane. Dans le fond, bandits très-indépendants, ils étendaient