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seule dans le lointain des cieux, versant sa lumière sur la horde endormie. Dans une tente solitaire, un vieillard ne dort point encore. Assis devant quelques charbons, et recueillant leur mourante chaleur, il regarde la plaine où s’étend le brouillard de la nuit. Sa fille est allée courir la campagne déserte. Libre enfant, elle ne connaît que son caprice. Elle reviendra… mais voici la nuit et bientôt la lune va disparaître derrière les nuages à l’horizon. Zemfira ne revient pas, et l’humble souper du vieillard se refroidit à l’attendre.

Mais, la voici. Derrière elle, sur la steppe, un jeune homme s’avance ; il est inconnu au bohémien : — « Père, dit la jeune fille, j’amène un hôte. Derrière le Kourgane[1], là-bas dans le désert, je l’ai rencontré et je l’amène au camp pour la nuit. Il veut devenir bohémien comme nous. La justice le poursuit, mais en moi il trouvera une bonne compagne. Il s’appelle Aleko ; il me suivra partout. »

LE VIEILLARD.

Bien ; reste jusqu’à demain à l’ombre de notre tente, plus longtemps, si tu veux. L’abri, le pain nous les partagerons. Sois des nôtres. Tu t’accoutumeras à nos façons, à notre vie errante, à la misère, à la liberté. De-

  1. Tumulus.