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— Vous vous trompez, mademoiselle, cette lettre n’est pas pour moi.

— Je vous demande bien pardon, répondit la modiste avec un sourire malin. Prenez donc la peine de la lire.

Lisabeta y jeta les yeux. Hermann demandait un entretien.

— C’est impossible ! s’écria-t-elle, effrayée et de la hardiesse de la demande et de la manière dont elle lui était transmise. Cette lettre n’est pas pour moi ! Et elle la déchira en mille morceaux.

— Si cette lettre n’est pas pour vous, mademoiselle, pourquoi la déchirez-vous ? reprit la modiste. Il fallait la renvoyer à la personne à qui elle est destinée.

— Mon Dieu ! ma bonne, excusez-moi, dit Lisabeta toute déconcertée ; ne m’apportez plus jamais de lettres, je vous en prie, et dites à celui qui vous envoie qu’il devrait rougir de son procédé.

Mais Hermann n’était pas homme à lâcher prise. Chaque jour Lisabeta recevait une lettre nouvelle, arrivant tantôt d’une manière, tantôt d’une autre. Maintenant ce n’était plus des traductions de l’allemand qu’on lui envoyait. Hermann écrivait sous l’empire d’une passion violente, et parlait une langue qui était bien la