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était tantôt trop sec, tantôt il manquait d’une juste réserve. Enfin à grand’peine, elle réussit à composer quelques lignes dont elle fut satisfaite : « Je crois, écrivit-elle, que vos intentions sont celles d’un galant homme, et que vous ne voudriez pas m’offenser par une conduite irréfléchie ; mais vous comprendrez que notre connaissance ne peut commencer de la sorte. Je vous renvoie votre lettre, et j’espère que vous ne me donnerez pas lieu de regretter mon imprudence. »

Le lendemain, aussitôt qu’elle aperçut Hermann, elle quitta son métier, passa dans le salon, ouvrit le vasistas, et jeta la lettre dans la rue, comptant bien que le jeune officier ne la laisserait pas s’égarer. En effet, Hermann la ramassa aussitôt, et entra dans une boutique de confiseur pour la lire. N’y trouvant rien de décourageant, il rentra chez lui assez content du début de son intrigue amoureuse.

Quelques jours après, une jeune personne aux yeux fort éveillés vint demander à parler à mademoiselle Lisabeta de la part d’une marchande de modes. Lisabeta ne la reçut pas sans inquiétude, prévoyant quelque mémoire arriéré ; mais sa surprise fut grande lorsqu’en ouvrant un papier qu’on lui remit elle reconnut l’écriture de Hermann.