Page:Mérimée - Carmen.djvu/233

Cette page a été validée par deux contributeurs.

I[1]

On jouait chez Naroumof, lieutenant aux gardes à cheval. Une longue nuit d’hiver s’était écoulée sans que

  1. La littérature russe est peu connue parmi nous. Le grand poëte Pouchkine et les écrivains modernes de la Russie ont été l’objet d’une étude développée, — le mouvement littéraire de ce pays n’a pas été suivi avec toute l’attention qu’il mérite. C’est que la langue russe est à peu près complétement ignorée en France ; les interprètes et les critiques compétents manquent. Un écrivain connu par des œuvres qu’on lira encore quand les gros romans de ces dernières années seront dans l’oubli fait une heureuse exception ; car on ne sait peut-être pas que l’auteur de Colomba tourne vers le russe la même curiosité pénétrante qu’il a portée vers le zingari, lorsqu’il composait Carmen. C’est à lui que nous devons d’avoir fait passer dans notre langue le récit qu’on va lire, et on reconnaîtra dans la Dame de Pique une de ces trop rares tentatives où un esprit éminent sait donner à la traduction même un cachet d’originalité. Pouchkine, assurément, ne pouvait trouver un meilleur introducteur dans la littérature française.
    (Note de l’éditeur de la Revue des Deux-Mondes)