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VI

L’ABBÉ AUBAIN À L’ABBÉ BRUNEAU, PROFESSEUR
DE THÉOLOGIE À SAINT-A***


N***, mai 1845.

Mon cher maître, c’est le curé de Sainte-Marie qui vous écrit, non plus l’humble desservant de Noirmoutiers. J’ai quitté mes marécages et me voilà citadin, installé dans une belle cure, dans la plus grande rue de N*** ; curé d’une grande église, bien bâtie, bien entretenue, magnifique d’architecture, dessinée dans tous les albums de France. La première fois que j’y ai dit la messe devant un autel de marbre, tout resplendissant de dorures, je me suis demandé si c’était bien moi. Rien de plus vrai. Une de mes joies, c’est de penser qu’aux vacances prochaines vous viendrez me faire visite ; que j’aurai une bonne chambre à vous donner, un bon lit, sans parler de certain bordeaux, que j’appelle mon bordeaux de Noirmoutiers, et qui, j’ose le dire, est digne de vous. Mais, me demanderez-vous, comment de Noirmoutiers à Sainte-Marie ? Vous m’avez laissé à l’entrée de la nef, vous me retrouvez au clocher.


O Melibœe, deus nobis haec otia fecit.