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tarque à mettre des rabats. » — « Montrez-moi la botanique, » lui ai-je dit. Il voulait attendre au printemps, car il n’y a pas de fleurs dans cette vilaine saison, « Mais vous avez des fleurs séchées, lui ai-je dit. J’en ai vu chez vous. » — Je crois t’avoir parlé d’un vieux bouquet précieusement conservé. — Si tu avais vu sa mine !… Pauvre malheureux ! Je me suis repentie bien vite de mon allusion indiscrète. Pour la lui faire oublier, je me suis hâtée de lui dire qu’il devait avoir une collection de plantes sèches. Cela s’appelle un herbier. Il en est convenu aussitôt ; et, dès le lendemain, il m’apportait dans un ballot de papier gris, force jolies plantes, chacune avec son étiquette. Le cours de botanique est commencé ; j’ai fait tout de suite des progrès étonnants. Mais ce que je ne savais pas, c’est l’immoralité de cette botanique, et la difficulté des premières explications, surtout pour un abbé. Tu sauras, ma chère, que les plantes se marient tout comme nous autres, mais la plupart ont beaucoup de maris. On appelle les unes phanérogames, si j’ai bien retenu ce nom barbare. C’est du grec, qui veut dire mariées publiquement, à la municipalité. Il y a ensuite les cryptogames, mariages secrets. Les champignons que tu manges se marient secrètement. Tout cela est fort scandaleux ; mais il ne s’en