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I

DE MADAME DE P… À MADAME DE G…


Noirmoutiers,… novembre 1844.

J’ai promis de t’écrire, ma chère Sophie, et je tiens parole ; aussi bien n’ai-je rien de mieux à faire par ces longues soirées. Ma dernière lettre t’apprenait comment je me suis aperçue tout à la fois que j’avais trente ans et que j’étais ruinée. Au premier de ces malheurs, hélas ! il n’y a pas de remède. Au second, nous nous résignons assez mal, mais enfin, nous nous résignons. Pour rétablir nos affaires, il nous faut passer deux ans, pour le moins, dans le sombre manoir d’où je t’écris. J’ai été sublime. Aussitôt que j’ai su l’état de nos finances, j’ai proposé à Henri d’aller faire des économies à la campagne, et huit jours après nous étions à Noirmoutiers. Je ne te dirai rien du voyage. Il y avait bien des années