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toutes faites, bien qu’il fût réellement plus cultivé qu’il ne voulait le paraître. Il se retira bientôt, remarquant que madame de Piennes tournait la tête vers la pendule, et promit, non sans quelque embarras, qu’il irait le soir chez madame Darsenay.

Il n’y vint pas cependant, et madame de Piennes en conçut un peu de dépit. En revanche, il était chez elle le lendemain matin pour lui demander pardon, s’excusant sur la fatigue du voyage qui l’avait obligé de demeurer chez lui ; mais il baissait les yeux et parlait d’un ton si mal assuré, qu’il n’était pas nécessaire d’avoir l’habileté de madame de Piennes à deviner les physionomies, pour s’apercevoir qu’il donnait une défaite. Quand il eut achevé péniblement, elle le menaça du doigt sans répondre.

— Vous ne me croyez pas ? dit-il.

— Non. Heureusement vous ne savez pas encore mentir. Ce n’est pas pour vous reposer de vos fatigues que vous n’êtes pas allé hier chez madame Darsenay. Vous n’êtes pas resté chez vous.

— Eh bien, répondit Max en s’efforçant de sourire, vous avez raison. J’ai dîné au Rocher-de-Cancale avec ces vauriens, puis je suis allé prendre du thé chez Famin ; on n’a pas voulu me lâcher, et puis j’ai joué.