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voir un goût vif pour quelque chose d’utile. Je redoute l’oisiveté pour vous.

— À vous parler franchement, madame, les voyages m’ont réussi en cela que, ne faisant rien, je n’étais pas non plus absolument oisif. Quand on voit de belles choses, on ne s’ennuie pas ; et moi, quand je m’ennuie, je suis bien près de faire des bêtises. Vrai, je suis devenu assez rangé, et j’ai même oublié un certain nombre de manières expéditives que j’avais de dépenser mon argent. Ma pauvre tante a payé mes dettes, et je n’en ai plus fait, je ne veux plus en faire. J’ai de quoi vivre en garçon ; et, comme je n’ai pas la prétention de paraître plus riche que je ne suis, je ne ferai plus d’extravagances. Vous souriez ? Est-ce que vous ne croyez pas à ma conversion ? Il vous faut des preuves ? Écoutez un beau trait. Aujourd’hui, Famin, l’ami qui m’a invité à dîner, a voulu me vendre son cheval. Cinq mille francs… C’est une bête superbe ! Le premier mouvement a été pour avoir le cheval, puis je me suis dit que je n’étais pas assez riche pour mettre cinq mille francs à une fantaisie, et je resterai à pied.

— C’est à merveille, Max ; mais savez-vous ce qu’il faut faire pour continuer sans encombre dans cette bonne voie ? Il faut vous marier.