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quatre livres, et surtout l’offrande de l’unique pièce de cinq francs, avaient gravé dans la mémoire de madame de Piennes la figure de la jeune femme, qu’elle regardait comme un modèle de piété.

Elle la rencontra encore assez souvent dans la rue près de l’église, mais jamais aux offices. Toutes les fois que l’inconnue passait devant madame de Piennes, elle baissait la tête et souriait doucement. Ce sourire bien humble plaisait à madame de Piennes. Elle aurait voulu trouver une occasion d’obliger la pauvre fille, qui d’abord lui avait inspiré de l’intérêt, et qui maintenant excitait sa pitié ; car elle avait remarqué que la capote rose se fanait, et le cachemire avait disparu. Sans doute il était retourné chez la revendeuse. Il était évident que saint Roch n’avait point payé au centuple l’offrande qu’on lui avait adressée.

Un jour madame de Piennes vit entrer à Saint-Roch une bière suivie d’un homme assez mal mis, qui n’avait pas de crêpe à son chapeau. C’était une manière de portier. Depuis plus d’un mois, elle n’avait pas rencontré la jeune femme au cierge, et l’idée lui vint qu’elle assistait à son enterrement. Rien de plus probable, car elle était si pâle et si maigre la dernière fois que madame de Piennes l’avait vue. Le bedeau questionné in-