Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 2,1874.djvu/90

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CCVIII

Cannes, 22 janvier 1860.

J’ai trouvé votre lettre en revenant de la campagne, ou plutôt du village où je suis allé passer huit jours tout près des neiges éternelles. Bien que sur un plateau très-élevé, je n’ai pas souffert du froid. J’ai vu de très-belles choses en fait de rochers, de cascades et de précipices : une grande caverne avec un lac souterrain dont on ne connaît pas l’étendue et qu’on peut supposer habité par tous les gnomes et les diables des Alpes ; une autre grande caverne, longue de trois kilomètres, où l’on m’a tiré un feu d’artifice. Enfin, j’ai passé ma semaine dans l’admiration de la pure nature. J’en ai rapporté ici des douleurs horribles et je suis, depuis deux jours, sur le flanc sans dormir ni manger. Je vois décidément que la machine se détraque et qu’elle ne vaut plus rien du tout. J’espère qu’il n’en est plus de même pour vous et que vous n’avez pas eu de nouvelles atteintes de votre fièvre.