Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 2,1874.djvu/89

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jeté la nuit. Un autre fermier vient voir un de mes amis, et lui dit qu’il avait tué cet homme. « Comment ? et pourquoi ? — C’est qu’il avait jeté un sort sur mes moutons. Alors, je me suis adressé à mon berger, qui m’a donné trois aiguilles que j’ai fait bouillir dans un petit pot et j’ai prononcé sur le pot des paroles qu’il m’a apprises. La même nuit que j’ai mis le pot sur le feu, l’homme est mort. » Ne vous étonnez pas qu’on ait brûlé mes livres à Grasse, sur la place de l’Église.

Je vais, mardi prochain, passer quelques jours dans ce pays, malgré ses mœurs. On m’y promet des monuments de toute sorte et des montagnes fort belles. Je vous en rapporterai de la cassie, si vous appréciez toujours ce parfum-là. Adieu, chère amie ; je suis rompu pour vous avoir écrit trois pages. C’est que je ne pose que sur un coude et que tous les mouvements me répondent dans le dos. Adieu encore. Je vous remercie de nouveau des livres.