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qu’ils la veulent empêcher. Cela redouble l’ardeur guerrière. Les militaires veulent faire le siége de Gibraltar, après avoir pris Tanger. Cela n’empêche pas qu’on ne spécule beaucoup à la Bourse et que l’amour de l’argent n’ait fait des progrès immenses depuis mon dernier voyage. C’est encore une importation française très-malheureuse pour ce pays-ci. J’ai assisté lundi à un combat de taureaux, qui m’a fort peu amusé. J’ai eu le malheur de connaître trop tôt la beauté parfaite, et, après avoir vu Montès, je ne puis plus regarder ses successeurs dégénérés. Les bêtes ont dégé néré comme les hommes. Les taureaux sont devenus des bœufs, et le spectacle ressemble un peu trop à un abattoir. J’y ai mené mon domestique, qui a eu toutes les émotions d’un débutant, et qui a été deux jours sans pouvoir manger de viande. Ce que j’ai revu avec le même plaisir qu’autrefois, c’est le musée. En revoyant chaque tableau connu, il me semblait retrouver un ancien ami ! Ceux-là, du moins, ne changent pas. Je vais aller la semaine prochaine faire une excursion dans la Manche, pour visiter un vieux château de l’impératrice. De là,