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nétrants, j’ai fait une observation curieuse. Je lui ai demandé s’il était bien sûr d’être inspiré et s’il avait fait quelque expérience pour s’en assurer. Je lui ai rappelé que Gédéon, appelé par Dieu, avait pris ses sûretés et exigé quelques petits miracles. « Savez-vous le russe ? lui dis-je. — Non. — Bien ; je vais écrire en russe deux phrases sur des morceaux de papier. Une de ces phrases sera une impiété. Suivant ce que vous dites, un de ces morceaux de papier vous causera de l’horreur. Voulez-vous essayer ? » Il a accepté. J’ai écrit. Il s’est mis à genoux et a fait une prière ; puis, tout d’un coup, il m’a dit : « Mon Dieu ne veut pas accepter une expérience frivole. Il faudrait qu’il s’agît d’un grand intérêt. » N’admirez-vous pas la prudence de ce pauvre fou qui craignait, à son insu, que l’expérience ne tournât pas bien !

Adieu ; j’attends une prompte réponse.