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puissant que jamais, je dors très-mal et très-difficilement. Non-seulement, je ne mange pas, mais j’ai horreur de toute espèce d’aliment. Presque tout le jour, j’éprouve un malaise affreux, parfois des spasmes ; je puis à peine lire, et, bien souvent, je ne comprends pas ce que j’ai sous les yeux. J’ai une idée que je voudrais mettre en œuvre ; mais comment travailler au milieu de ces ennuis ! Voilà, chère amie, la situation où je me trouve. J’ai la certitude que c’est une mort lente et très-douloureuse qui s’approche. Il faut en prendre son parti.

La politique, à laquelle je ne comprends plus rien du tout, n’est pas faite pour me donner des distractions agréables. Il me semble que nous marchons à une révolution pire que celle que nous avons traversée ensemble assez gaiement il y a une vingtaine d’années. Je voudrais bien que la représentation fût un peu retardée, pour n’y pas assister.

Il a gelé ici à six degrés, phénomène qui ne s’était pas produit depuis 1821, au dire des anciens ; tous les jardins ont été ravagés. Le froid est venu au moment où l’on pouvait se croire en