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CCXCIII

Cannes, 3 janvier 1867.

Chère amie, j’ai reçu votre lettre avec beaucoup de remords. Il y a longtemps que je veux vous écrire ; mais, d’abord, l’incertitude du lieu où vous êtes est un grand ennui. Vous êtes toujours par voies et par chemins, et on ne sait où vous prendre. En second lieu, vous n’avez pas répondu à une lettre très-longue et d’un très-beau style que je vous avais adressée. De plus, vous ne savez pas comme le temps passe dans un pays comme celui-ci, où il ne pleut jamais, et où l’importante affaire est de se chauffer au soleil ou de peindre des arbres et des rochers. J’avais apporté des livres pour travailler, mais je n’ai rien fait encore que lire (en prenant des notes) une histoire de Pierre le Grand, dont je voudrais un jour faire un article pour le Journal des Savants. Le grand homme était un insigne barbare, qui se grisait horriblement et commettait une faute de goût