Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 2,1874.djvu/31

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Venise avec regret et que j’avais sans cesse pensé à vous. — Le lac de Côme m’a plu. Je me suis arrêté à Bellaggio. J’ai retrouvé, dans une assez jolie villa des bords du lac, madame Pasta, que je n’avais pas vue depuis qu’elle faisait les beaux jours de l’Opéra italien. Elle a augmenté singulièrement en largeur. Elle cultive ses choux, et dit qu’elle est aussi heureuse que lorsqu’on lui jetait des couronnes et des sonnets. Nous avons parlé musique, théâtre, et elle m’a dit, ce qui m’a frappé comme une idée juste, que, depuis Rossini, on n’avait pas fait un opéra qui eût de l’unité et dont tous les morceaux tinssent ensemble. Tout ce que font Verdi et consorts ressemble à un habit d’arlequin.

Il fait un temps magnifique, et ce soir il part un bateau pour Livourne. Je suis fort tenté d’aller passer huit jours à Florence. Je reviendrai par Gênes et probablement par la Corniche. Cependant, si je trouve des lettres pressantes, je pourrai bien prendre la route de Turin et faire en trente heures le voyage de Paris. De toute façon, je vous y attendrai le 1er octobre. Daignez ne pas l’oublier, ou vous m’obligeriez à aller