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côté un mur de rochers et de l’autre un tunnel naturel aussi et très-long ; car la nature, qui est moins forte que les ingénieurs, a imaginé de faire son pont en long, et le tunnel en est la continuation. Sous le tunnel, et perpendiculairement au pont, coule un clair ruisseau ; les proportions de tout cela sont gigantesques. Il y fait très-frais et l’on s’y sent à mille lieues des humains. Je vous en montrerai un croquis fait à cheval. Ce beau lieu, qui se nomme simplement Sagarramedo, est en Espagne, et, s’il était aux environs de Paris, on le montrerait pour cinquante centimes, et on ferait sa fortune. Dans une autre caverne, à une lieue de là, mais en France, nous avons trouvé une vingtaine de contrebandiers qui ont chanté des airs basques en chœur avec accompagnement de galoubet. C’est un petit flageolet aigre, qui a quelque chose de très-sauvage et de très-agréable. La musique est pleine de caractère, mais triste à porter le diable en terre, comme toutes les musiques de montagnards. Quant aux paroles, je n’ai compris que Viva emperatriça ! du dernier couplet. Nous étions menés là par un homme singulier, qui a gagné une grande fortune