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Allemagne et je vous aurais peut-être surprise à Munich, mais mon voyage a manqué. J’allais voir mon ami Kaullo, cet aimable juif dont je vous ai parlé plus d’une fois. Or, il vient lui-même en France et je renonce à l’Allemagne. L’un de mes amis qui revient de Suisse ne se loue pas du temps qu’il fait ; cela diminue mes regrets.

Il m’a semblé que Boulogne s’embellit beaucoup, tant dans ses maisons que dans ses habitants. J’y ai vu des pêcheuses coquettement habillées et des maisons neuves très-jolies ; mais quelles Anglaises et quels chapeaux pork pies ! Hier, je suis allé chez la princesse Murat, qui est à peu près remise de sa terrible chute. Il ne lui reste plus qu’un œil un peu cerné de noir et une pommette de joue un peu rouge. Elle a raconté son accident très-bien. Elle a perdu tout souvenir de sa chute et de ce qui s’en est suivi pendant trois ou quatre heures. Elle a vu son cocher, qui était un colonel suisse, lancé en l’air, très-haut au-dessus de sa tête ; puis, quatre heures après, elle s’est retrouvée dans son lit avec la tête grosse comme un potiron. Dans l’intervalle, elle a marché et parlé, mais elle ne se souvient de rien. J’espère,